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Ronit Elkabetz (1964-2016) est sans doute l’une des actrices et cinéastes israéliennes les plus connues dans notre pays, même si ses films, très intimistes, ne lui ont jamais permis de jouir en France de l’aura dont elle disposait dans son pays natal, comme en témoigne l’indifférence générale qui en 2016 a accueilli son décès précoce.


Venue vivre en France sur la pointe des pieds dans les années 90, alors qu’elle a connu un succès aussi vif qu’immédiat en Israël, elle continue de marquer de son charisme les longs métrages des réalisateurs de son pays tels qu’Amos Gitaï ou Dover Kosashvili, dans des fictions qui n’hésitent pas à mettre le peuple israélien devant ses contrariétés. Elle incarne parfaitement ce contraste, endossant le rôle de femmes fortes, mais qui abritent une profonde fêlure. Dure comme le combat des femmes dans une société patriarcale, fragile pour la même raison. Lumineuse à l’écran, mais de cette lumière froide que trahit son regard. L’ambivalence des sentiments qu’elle transmet au spectateur fait toute la richesse de son jeu et est parfaitement exploité par les cinéastes.


Cette colère froide envers les mœurs de son pays, Ronit Elkabetz va pouvoir pleinement la laisser se déployer dans la trilogie Viviane Amsalem composée de Prendre femme, Les Sept jours et Le Procès de de Viviane Amsalem, qui raconte le délitement d’un couple et l’impasse d’une femme qui désire divorcer dans une société où la séparation ne peut s’effectuer qu’avec l’aval de l’époux. Elle mène ces huis-clos étouffants des deux côtés de la caméra puisque Prendre Femme marque son passage à la réalisation tout en tenant le premier rôle. L’ultime volet, quand Viviane obtient enfin un procès devant un collège de rabbins, est un sommet de tension entre une femme nerveusement cabossée à force de se cogner à un mur et un homme assommé de conventions sociales, « absent » de la réalité qu’est le désastre de sa vie de couple. Tout, de la mise en scène tendue, aux dialogues cinglants, trahit cette violence sociale qui ne veut pas dire son nom.


Malgré une filmographie assurément tronquée et principalement centrée sur la société israélienne, ses récits, refusant tout manichéisme, ont par leur intimité et leur profonde humanité, une valeur universelle. Il n’est jamais trop trad pour se confronter à la virtuosité âpre de Ronit Elkabetz.


Pierre