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Crimes exemplaires de Max Aub


« Personne ne peut se vanter de s’être moqué de moi. En tout cas pas celui-là. »


Max Aub, cela pourrait être le nom, clinquant par sa brièveté tout autant que cosmopolite, d’un héros de romans d’aventures un peu surannés. Aussi facile à prononcer qu’à oublier, il siérait à merveille à un faussaire. Je ne sais si les noms influencent l’existence de ceux qui les portent, mais notons que Max Aub (1903 – 1972), véritable citoyen du monde, a connu une vie particulièrement agitée et excella, à sa manière, dans l’art de la mystification artistique.


Né en 1903 à Paris de père français et de mère allemande, deux nations définitivement fâchées depuis 1870, il connait tout le long de sa vie un destin d’exilé dicté par la folie guerrière des hommes. En 1914, alors que sa famille vit en Allemagne, son père brave le Kaiser en refusant de prendre les armes contre la France. Un affront qui se solde par une fuite forcée en Espagne où le jeune Max fourbit ses armes d’écrivain et d’anarchiste patenté. Il s’engage dans la guerre civile espagnole, ce qui lui vaut notamment l’amitié d’André Malraux et une place d’attaché culturel à l’ambassade d’Espagne à Paris en 1937. Deux ans plus tard, il est arrêté car on le soupçonne de communisme avant d’être interné sous Vichy dans un camp de concentration du sud de la France, dont il parvient à s’évader en 1942. Il traverse l’Atlantique pour trouver refuge, définitivement, au Mexique comme son ami Buñuel, où il ne compte pas pour autant se faire oublier, comme en témoigne sa production littéraire foisonnante et majoritairement provocante, une quarantaine d’œuvres de formes diverses, malheureusement peu traduites en français.


Les Crimes exemplaires ont paru au Mexique en 1956. Il s’agit d’un recueil de récits brefs qui se présente comme la compilation de témoignages d’assassins que l’auteur aurait recueillis pendant plusieurs années des deux côtés de l’Atlantique, « un matériau de première main, passé simplement de la bouche au papier en égratignant l’oreille », comme il le précise lui-même dans une préface aussi malicieuse qu’alambiquée où il se met en scène en tant que simple médiateur. Les témoignages se veulent authentiques, manière commode d’en augmenter l’ironie macabre ainsi qu’une confusion à même de titiller un peu plus le censeur habilité à protéger coûte que coûte la bonne morale. Si ses Crimes exemplaires sont une ode à l’humour noir, on ne peut accuser Max Aub de prendre son rôle d’écrivain faussaire avec légèreté. Il fait même montre d’une certaine idée du jusqu’au-boutisme, comme en témoigne un autre de ses livres, édité à la même époque : la biographie illustrée de Torres Campalans, peintre fictif dont Max Aub est allé jusqu’à réaliser lui-même les tableaux.


Une question taraude l’esprit du lecteur en possession de cet élément bibliographique. Et si Max Aub, pris d'une fièvre à la fois créatrice et meurtrière, avait pour ses Crimes exemplaires suivi le même processus créatif que pour les toiles de Torres Campalans, troquant plume et pinceau pour une lame de couteau ?


Pierre